Télérama « Les accords de Matignon ont été notre solution, ils deviennent notre prison »

Interview dans Télérama de Jenny Briffa – publiée le 1er octobre 2020 – Article et interview réalisés par Olivier Milot.

Photos : Céline Marchal et Jenny Briffa.

Fin mal géré !

Représentation de « Fin mal géré! » à Gossanah – Ouvéa

Pour ou contre l’indépendance ? Après une campagne tendue, les Calédoniens en décideront lors d’un vote, le 4 octobre. Pour éclairer les enjeux de ce scrutin, “Télérama” a rencontré Jenny Briffa, autrice de deux spectacles à succès sur la société calédonienne, qui a su capter les frustrations, les urgences et les espoirs de sa génération. Entretien sans non-dits, ni langue de bois.

Son premier spectacle, Fin mal barrés, avait remporté en Nouvelle-Calédonie un énorme succès. Alors Jenny Briffa en a écrit un second, Fin mal géré !, à voir en exclusivité jusqu’au 4 octobre sur telerama.fr. Ce nouveau one-man show moque avec humour et une absolue liberté de ton les grands et petits travers de la société calédonienne et de sa classe politique. L’accueil du public a de nouveau été enthousiaste et, au terme d’une longue tournée, la trentenaire journaliste et autrice s’apprête, comme plus de 180 000 de ses compatriotes, à se rendre aux urnes le 4 octobre pour un nouveau référendum d’autodétermination. Un vote sous tension qui se déroule dans une grande indifférence médiatique, alors qu’il est crucial pour l’avenir du Caillou et de ses habitants ; et qu’une partie de la jeune génération – à laquelle appartient Jenny Briffa – se sent à l’étroit dans un processus d’indépendance issu des accords de Matignon qui enferme les Calédoniens dans un choix binaire, dont beaucoup aimeraient sortir une bonne fois pour toute. Et si on les écoutait ?

Pourquoi avoir choisi de donner une suite à votre premier spectacle ?
Il y avait une forte demande du public calédonien après le succès de Fin mal barrés. J’ai pourtant hésité à écrire une suite car Maïté Siwene, qui en était l’interprète, ne souhaitait pas continuer. Je ne me voyais pas me lancer dans cette nouvelle aventure sans elle. Au-delà de nos liens amicaux, il était confortable que la pièce soit jouée par une Kanak et écrite par une Européenne. On était inattaquables. Sans elle, l’exercice était plus délicat mais, à un moment donné, j’ai ressenti la nécessité de faire entendre une autre voix.

À l’issue des dernières élections provinciales, j’ai vu les positions des loyalistes et des indépendantistes se durcir, et se profiler le scénario d’une longue campagne où les politiques allaient focaliser notre attention sur ce qui nous sépare, sans qu’aucune voix ne s’élève pour dire aussi notre désir de vivre ensemble. C’est pour cette raison que j’ai monté ce spectacle, pour donner une respiration à cette envie d’un avenir commun.

À quoi ressemble ce nouveau one-man show ?
Il raconte l’histoire de Hussein Wobama, un métis 100 % kanak du côté de son père, et kabyle, germanique, caldoche du côté de sa mère. Un pur Calédonien en somme. Une partie de sa famille est indépendantiste, l’autre loyaliste, lui ne sait pas pour qui voter. Il va essayer de trouver une réponse en interrogeant ses amis, sa famille. La pièce va jouer de tous ses questionnements et hésitations pour explorer les contradictions de la société calédonienne.

Fin mal géré !

Hussein Wobama, interprété par Stéphane Piochaud, est un métis en mal de convictions…